La période de la fin du Pléistocène inférieur et du début du Pléistocène moyen recense peu de données, notamment en Afrique, où les périodes antérieures sont parfois mieux documentées, à la fois dans le registre culturel (technologie et subsistance) et paléoanthropologique. Or, cette période charnière revêt une importance particulière dans l'évolution humaine et soulève des questions importantes comme celles de l'impact des bouleversements climatiques et environnementaux sur les populations d'hominines, de la diffusion ou de la convergence culturelle, des variations régionales ou encore de l’origine africaine de l’Acheuléen.
Les nombreux travaux et projets développés sur cette période (1,3-0,5 Ma) au sein de notre UMR, que ce soit en paléoanthropologie, préhistoire, archéozoologie, archéobotanique, géochronologie et géoarchéologie, sont à l’origine de l’organisation de cette table ronde qui a permis de présenter pour chacune des disciplines phares de notre UMR une synthèse des données existantes dans un cadre transcontinental (Afrique et Eurasie).
Ces présentations, dont les résumés sont rassemblés dans ce document, ont généré des discussions enrichissantes qui soulignent le besoin de renforcer l’interdisciplinarité lors de la prise en compte de cette période clé.
Il est notamment apparu que l’existence de lacunes pour cette période pouvait être expliquée par des biais d’enregistrement sédimentaire, des inégalités selon les régions dans les prospections et les travaux de terrain ou par un défaut de données brutes et d’analyses pour certaines disciplines. Il apparaît que ces manques peuvent être partiellement contournés par un renforcement de la collaboration entre les disciplines, notamment au sein de notre UMR.
Nous soulignons ici quelques exemples soulevés lors de la réunion :
1. Pour la connaissance des paléoenvironnements : malgré des lacunes pour certaines régions d’Europe, les données en palynologie permettent d’émettre certains scénarios concernant les stratégies de peuplement, avec notamment la mise en évidence de zones refuges, mais aussi peu à peu l’affranchissement des hominines face aux contraintes environnementales (Homo heidelbergensis).
L’apport de la microfaune doit être revalorisée, notamment là aussi pour les sites de plein-air, en mettant en place des protocoles adaptés qui permettraient de fournir également des informations pour des sites « dégradés ». Les données obtenues pour les microvertébrés d’Afrique et d’Europe permettent notamment de préciser les climats et la végétation, mais également de mettre en évidence des routes de migration possible pour les animaux et les hominines, ainsi que des parallèles entre certaines régions, comme entre l’Afrique de l’Est et l’Afrique du Sud. En Europe, on note notamment la présence de communautés non-analogues dans certaines zones géographiques. En croisant les différents proxies, les données paléoenvironnementales sont précieuses pour l’interprétation de la diversité des comportements humains à ces périodes.
2. En géochronologie : on note une amélioration des techniques, notamment pour ce qui est de la datation des sites de plein air. Pour les périodes concernées, il faut souligner que la confrontation des résultats de plusieurs méthodes de datation est incontournable (U-Th ; ESR ; Ar/Ar ; OSL ; Cosmogénie ; Paléomagnétisme ;…).
3. Concernant les comportements humains, il est intéressant de développer des « parallélismes » entre les différentes études et disciplines, comme notamment l’archéozoologie, les technologies lithiques et les données de la paléoanthropologie, qui montrent notamment une grande diversité morphologique parmi les populations d’hominines à ces périodes, que ce soit pour l’Europe, l’Asie ou l’Afrique. Il apparaît notamment qu’avec l’émergence de la technologie bifaciale, apparue aux environs de 700 ka en Europe, voire 1 Ma et avant en Afrique, autour de 1.7 Ma, se développent des stratégies de chasse mieux adaptées aux troupeaux de grands ongulés. On note également une meilleure organisation spatiale des sites, avec notamment les premiers sites en grotte et un plus grand affranchissement vis-à-vis des matières premières. Partout dans l’ancien monde, les marques de boucherie sont de plus en plus présentes et claires, le plus souvent en contexte de sites de plein-air, dans le cas de single-carcass sites ou de camps d’habitat.
Cette synthèse ainsi que les résumés des dix interventions sont disponibles ci-dessous: