Intervenante : Delphine Vettese, Archéozoologue, Maître de conférence en préhistoire, UMR 7194 - Université de Perpignan Via Domitia
Résumé :
La caractérisation des comportements de subsistance des hominines est une des pierres angulaires pour la compréhension d’un niveau archéologique et d’un site préhistorique. Pour cela, la détermination des espèces chassées/charognées et consommées et donc l’aspect économique, est primordiale lorsqu’on s’intéresse à un assemblage faunique. Cela permet de mettre en évidence les différentes stratégies cynégétiques mises en place au sein d’un territoire et démontre la diversité de ces stratégies de subsistance qui dépendent entre autres de l’espèce d’hominines, des proies (chassées, charognées ou consommées), des conditions environnementales ou de la concurrence d’autres espèces. L’analyse spatiale de la distribution des restes animaux et l’emploi des remontages systématiques peut aussi argumenter le type d’activité et/ou d’occupation d’un site. Ainsi, que ce soit à l’échelle d’un site, d’un territoire ou plus largement d’une région, l'étude des modes de subsistance dans ces écosystèmes plus ou moins anthropisés permet de renseigner les modalités d’acquisition, de gestion et d’usages des ressources animales mais aussi sur la mobilité humaine. L'analyse des traces anthropiques, de percussion en particulier, permet de caractériser les gestes et les pratiques de boucherie des hominines dans différents contextes. Dans cette dernière perspective, les résultats prometteurs sur les traces d’extraction de la moelle permettent d’explorer d’autres stigmates anthropiques, telles que les stries de boucherie, pour s’interroger sur les questions de traditions et de transmission au sein d’un niveau, d’un site ou d’un territoire. Ces questions ne se limitent pas seulement à la technique du traitement des carcasses mais aussi aux aspects cognitifs mis en œuvre dans les différentes activités bouchères. Les ressources animales sont aussi utilisées à des fins non alimentaires. En effet, une partie des restes en matière dure d'origine animale (MDOA) peuvent nous renseigner sur les différents comportements techniques des hominines. Les travaux sur les origines de ces comportements techniques liées au MDOA sont de prime importance, car ce sont des comportements innovants démontrant une évolution des pratiques et une preuve tangible de la relation humain-animal qui n’est plus seulement considérée comme une ressource alimentaire. Enfin, les assemblages fauniques de moyenne et grande faune sont une fenêtre sur les paléoenvironnements de la Préhistoire. Leur étude met en évidence la complexe relation entre les humains et leur milieu. Connaitre la composition du spectre faunique d’un site même faiblement anthropisé permet de replacer l’humain dans son environnement. Les études de paléoécologie et d’éthologie renseignent aussi sur les périodes d’occupation des sites notamment pour ce qui est de la saisonnalité. La collaboration initiée avec des chercheurs spécialistes des analyses isotopiques d’une part et de la micro- méso-usure dentaire d’autre part, apporte des informations complémentaires sur l’alimentation des animaux, leur déplacement et leur saison d’abattage. En croisant l’ensemble de ces données avec celles provenant d’études paléontologiques, il est possible de proposer des hypothèses sur les choix des proies retrouvées sur un site. Il est évident qu’une première étape d’identification du ou des agents accumulateurs est indispensable pour comprendre ces sélections d’animaux chassés et/ou charognés et consommés. La concurrence avec d’autres prédateurs fait partie intégrante de ces travaux s’intéressant aux relations humain-milieu.