
Marylène PATOU-MATHIS

1 rue René Panhard
75013 Paris
La diffusion des connaissances auprès du public est un acte citoyen, ainsi, depuis de nombreuses années je participe à la valorisation des recherches en préhistoire : conseillère scientifique de films (dont AO le dernier Néandertal de Jacques Malaterre, UGC) et de documentaires, création d’outils pédagogiques, commissaire d’expositions (dont Au temps des mammouths au MNHN en 2005), conférencière, participation à des émissions de télévision ou radio et rédaction d’articles dans des revue « grand public ».
J’ai également partagé le quotidien durant trois mois des San (Bushmen) du Kalahari au Botswana et, suite à cette expérience, j’ai publié en 2007 : Une mort annoncée (Ed. Perrin), livre qui relate la vie de ce peuple chasseur-cueilleur en cours d’acculturation.
Problématiques de recherche
Préhistoire ; archéozoologie ; taphonomie ; subsistance
Deux thèmes majeurs : (I) « Méthodes de l’Archéozoologie » ; (II) « Comportements de subsistance au Paléolithique moyen et au début du Paléolithique supérieur en Europe ».
(I) Méthodes de l’Archéozoologie
Ce thème regroupe deux axes principaux de recherche : (a) la taphonomie et (b) l’utilisation des ossements en tant que matière première.
(a) Développement de méthodes d’analyse taphonomique des matériels osseux archéologiques : nombreuses publications, organisation de rencontres internationales, co-direction, avec Christiane Denys (professeur au MNHN), d’une UE de taphonomie au sein du Master MNHN (SEP 39) et co-édition avec C. Denys d’un « Manuel de Taphonomie » destiné aux étudiants et chercheurs (2014, Ed. Errance).
(b) Le second axe de recherche a trait à l’origine et au traitement de la matière dure d’origine animale, en particulier le bois de cervidés et l’ivoire de mammouth. Les premiers résultats relatifs à cette problématique ont été présentés lors d’un colloque en janvier 2003 (dont j’étais un des co-organisateurs et des co-éditeurs de la publication des actes parus en 2005).
Ces recherches se sont poursuivie, d’une part, au sein d’une Commission internationale de l’UISPP (que je co-dirige) et d’autre part, d’un PPF MNHN (« Structure et Evolution des écosystèmes », Coordonné par P. Grandcolas) sur le thème : « Disparition de la « Steppe à mammouths » : conséquence sur la biodiversité », programme étroitement lié au Programme ANR « Mammouths » auquel j’ai participé (dir. S. Péan, MC MNHN). Par exemple, dans le cadre d’un Programme franco-ukrainien CNRS/ANSU, l’analyse des matériels osseux de mammouth de sites ukrainiens nous a conduit à émettre l’hypothèse de la récupération et l’utilisation par les Néanderthaliens et les Hommes anatomiquement modernes d’os et d’ivoire fossiles.
(II) Comportements de subsistance au Paléolithique moyen et au début du Paléolithique supérieur en Europe.
Le principal objectif de mes recherches est la mise en évidence d’éventuelles similitudes et différences dans les comportements de subsistance au Paléolithique moyen et au début du Paléolithique supérieur en Europe et d’en cerner la ou les causes majeures : environnement, région, culture… Le temps et l’espace sont des variables fondamentales dans l’étude de la dynamique des systèmes, c’est pourquoi mes choix se sont portés sur l’analyse des comportements de subsistance des Hommes présents durant une longue période (contemporain de l’OIS 7 à l’OIS 3 qui comprend des changements climatiques majeurs) et sur une vaste aire géographique (Europe centrale et orientale, région qui offre une grande diversité de milieux).
Pour une meilleure compréhension des comportements de subsistance sensu lato, j’ai systématiquement confronté mes résultats à ceux des études des autres matériels archéologiques, en particulier lithiques (interface Lithique/Faune), et des différents marqueurs paléoécologiques. Pour compléter mes données, j’ai également engagé une collaboration avec le laboratoire de biogéochimie isotopique d’Hervé Bocherens (Université de Tubingen) avec lequel j’ai travaillé sur la reconstitution, d’une part des paléoenvironnements de différents sites et, d’autre part, sur l’alimentation des Néanderthaliens.
Après avoir étudié le matériel faunique de nombreux sites du Paléolithique moyen, en Europe Occidentale, principalement en France et en Belgique, mes recherches se sont tournées vers l’Europe Centrale et Orientale. Après une première synthèse relative aux comportements de subsistance sensu lato des Néandertaliens d’Europe septentrionale, centrale et orientale (mémoire d’HDR), j’ai élargir mes recherches aux comportements de subsistance sensu lato des Hommes de la période dite de transition Paléolithique moyen-Paléolithique supérieur et du début du Paléolithique supérieur (Aurignacien) en Europe centrale et orientale. J’ai donc analysé les matériels fauniques de sites du Paléolithique moyen, de faciès de transition et de l’Aurignacien d’Ukraine, de Croatie (Vindija), de Hongrie (Subalyuk) et depuis 2010 d’Ouzbékistan (Obi-Rakhmat). Ces recherches ont été effectuées dans le cadre de programmes scientifiques internationaux (MAE, ANR, CNRS/ANSU…) et nationaux que j’ai dirigé ou auxquels j’ai participé.
Programme en cours
Mes travaux actuels s’inscrivent dans le cadre d’une ATM (Action Transversale du Muséum), que je coordonne depuis 2009 (avec Denis Couvet et Donato Bergandi, Professeurs au MNHN), intitulée « Les relations Sociétés-Nature dans le long terme ». L’objectif de cette ATM est la mise en évidence pour les groupes humains (passés et actuels) des processus de dynamique, résilience et transition. Pour les Sociétés passées, travailler sur ces processus des sociétés passées signifie travailler sur les territoires, les comportements techniques, l’approvisionnement en matières premières, dans le temps et dans l’espace, en prenant en compte les changements climatiques.
Par ailleurs, les changements climatiques ont-ils eu une incidence sur les comportements ? Si oui, comment percevoir et mesurer leur influence ? Pour répondre à ces questions, deux paramètres sont explorés : les invariants et les innovations. On constate en effet, à certaines périodes, la durabilité d’une relation stabilisée entre une société et son milieu (invariants, i.e. : pérennité de l’habitat, des territoires, des techniques) et, à d’autres périodes, des changements économiques et socio-culturels (innovations, i.e. : nouveaux savoir-faire, nouveaux territoires, nouvelles structures sociales).
Dans le cadre de notre recherche sur : Changements et invariants comportementaux à la transition Paléolithique moyen / Paléolithique supérieur (PMS) dans le cadre paléoécologique en Europe orientale, nous travaillons actuellement sur les conditions d’existence simultanée de variations comportementales et de phénomènes de résilience culturelle chez ces sociétés préhistoriques, sous l’influence, ou non, de changements paléoécologiques.
Cette période dite de transition se caractérise paléoanthropologiquement par l’arrivée de nouvelles populations d’Hommes anatomiquement modernes (Homo sapiens) par les régions orientales d’Europe, vers 43 000 ans BP, et la disparition des Néanderthaliens vers 30 000 ans BP. Archéologiquement, cette phase charnière présente des faciès spécifiques dits « de transition », entre les cultures moustériennes du Paléolithique moyen et les cultures aurignaciennes et gravettiennes du Paléolithique supérieur.
Synchroniquement avec les Homo sapiens, et sans apparemment avoir été en contact direct avec eux puisque présents dans des territoires régionaux différents, certains Néanderthaliens modifient leurs comportements techniques et de subsistance vers 36 000 ans BP : confection de parures et production d’outils en matières dures d’origine animale. A l’inverse, dans des régions différentes d’Europe, d’autres groupes néanderthaliens maintiennent leurs traditions, stables depuis des milliers d’années. Par ailleurs, cette période est marquée par une instabilité climatique, passage de conditions relativement tempérées (« inter-pléniglaciaires ») à froides (« pléniglaciaires »).
Dans un premier temps, notre objectif est d’augmenter le corpus de données par l’analyse des matériels fauniques inédits dont ceux de Buran-Kaya (Crimée, Ukraine) et d’Obi-Rakhmat (Ouzbékistan) et tenter de répondre, dans un deuxième temps, à la question : les changements observés (innovations) résultent-ils d’un processus de transition, de dynamique ou de résilience ?
Le cas de la Crimée, région riche en gisements archéologiques de cette période dite de transition, est en effet particulièrement pertinent. Au moins quatre sites (Kabazi II et V, Buran Kaya III et Siuren I) attestent de la persistance des Néanderthaliens jusqu’au moins 31 000 ans et de la coexistence (évidence chronologique), entre 36 et 31 000 ans BP, d’industries du Paléolithique moyen (Moustérien, Micoquien) et d’industries du Paléolithique supérieur (à pointes foliacées, Aurignacien). D’autre part, à Buran Kaya III, au-dessus du niveau à pointes foliacées, fait exceptionnelle un niveau à industrie micoquienne a été dégagé (daté d’environ 31 000 ans). Si les artisans du Moustérien et du Micoquien sont, sans conteste, des Néanderthaliens, ceux de l’industrie de transition demeurent inconnus. En outre, grâce à cette ATM, un nouveau programme de fouilles et d’analyses du site de Buran Kaya III a débuté en 2009 sous la co-direction de S. Péan et le découvreur du site A. Yanevich de l’Institut d’Archéologie, Académie Nationale des Sciences d’Ukraine. Il a permis l’exhumation de vestiges d’Homo sapiens parmi les plus anciens d’Europe : directement datés de 31 900 ans BP (Yanevich et al. 2009, Prat et al. 2011).
Au cours de mes recherches, s’est tissé un réseau scientifique entre certains membres de mon équipe et plusieurs laboratoires d’Europe centrale et orientale (République tchèque, Croatie, Hongrie, Roumanie, Pologne, Ukraine, Russie) autour d’un thème de recherche fédérateur : « Les comportements de subsistance des Hommes du Paléolithique moyen et du début du Paléolithique supérieur en Europe centrale et orientale ».
Prix et distinctions
2014 - Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’honneur
2002 - Prix de la Chancellerie des Universités de Paris.
1995 - Médaille de la Fondation Singer Polignac
1984 - Lauréate de la Fondation de la Vocation