Histoire holocène de la végétation semi-aride et dynamique des socio-écosystèmes paysagers depuis les périodes capsienne et néolithique en Tunisie centrale
Le processus de néolithisation au Maghreb oriental reste à ce jour mal documenté. Le grand nombre de sites capsiens par rapport aux rares sites néolithiques et le caractère particulier de ces derniers (pastoralisme semi-nomade et émergence tardive de l’agriculture) questionnent la définition européo-centrée du Néolithique. Il est finalement admis que les sociétés humaines se sont adaptées aux changements climatiques récurrents depuis environ 9 ka cal BP et ont démontré une forte capacité de résilience en s’adaptant et en subsistant dans des écosystèmes steppiques fragiles. Cependant, la nature des forçages environnementaux et des activités humaines émergentes n’a jamais encore été étudiée dans un cadre spatial et chronologique robuste pour retracer la genèse et l’évolution des socio-écosystèmes en région semi-aride. Cette thèse propose de combler le manque de données paléoenvironnementales au Maghreb oriental en réalisant l’analyse palynologique (pollen et microfossiles non-polliniques-MNP) à haute résolution, en diachronie sur tout l’Holocène, d’un transect terre-mer de deux archives sédimentaires (Golfe de Gabès et Tunisie centrale). En parallèle, un référentiel actualiste d’échantillons de sol, de mousse, de fèces d’animaux domestiques et sauvages et de racines sera constitué pour calibrer la relation pollen-végétation/champignon et identifier des biomarqueurs polliniques et fongiques des différents groupements de végétation et de l’anthropisation dans ces milieux semi-arides. L’ensemble des données écologiques et paléoécologiques seront corrélées entre elles et avec les données archéologiques disponibles par des traitements statistiques (Squared Chord Distance, ACP, entre autres) et de fouilles de données (data mining) particulièrement adaptés aux corpus de différentes natures. Ces analyses permettront de dégager des groupements fonctionnels de bio-indicateurs co-évoluant ensemble (motifs graduels fermés) dont la nature et la répétition seront associés à la variabilité climatique et aux activités humaines. L’approche palynologique multi-indicateurs caractérisera l’environnement végétal et les premiers impacts des activités humaines en Afrique du Nord en répondant aux questions de recherche suivantes : 1) Quelle a été la réponse de la végétation aux tendances climatiques globales et aux changements climatiques rapides, ainsi qu’aux activités anthropiques au cours des 10 derniers millénaires ? 2) A quelles dates sont survenus la fin de la période humide africaine et les changements climatiques rapides (RCC) au cours de l’Holocène? 3) Comment et quand les sociétés se sont-elles adaptées aux crises environnementales en termes de mobilité, d’économie, de technique et de culture, et comment ont-elles progressivement modifié les paysages végétaux ? Pour travailler sur ces questions, il est envisagé que les lacs, les sebkhas et les réseaux hydrographiques ont été des passages clés pour la mobilité des animaux et des hommes depuis la transition Capsien-Néolithique dans les environnements steppiques. Dans ce contexte, les sociétés humaines pouvaient être résilientes aux changements climatiques et environnementaux en intégrant de nouvelles techniques qui ont transformé les systèmes sociaux-écologiques. Les objectifs de la thèse seront les suivants : 1) documenter l’histoire de la végétation et du climat aux échelles locale et régionale au Maghreb oriental ; 2) étudier de nouveaux bio-indicateurs pour caractériser les utilisations du sol à long terme en Afrique du Nord; 3) suivre la mobilité des hommes et de leurs troupeaux en lien avec les contraintes environnementales. L’ambition de la thèse est de fournir une documentation précise pour reconsidérer le processus néolithique nord-africain dans une perspective environnementale, en fournissant des observations croisées paléoenvironnementales et archéologiques pour discuter comment les sociétés préhistoriques ont subsisté dans des écosystèmes steppiques aux ressources fragiles.
Direction: Vincent Lebreton (HNHP) et Yannick Miras (HNHP). Co-encadrement: Ana Ejarque (ISEM)